honoraires medecin conseil en recours

article publié par Maître Estelle AOUN (avec son autorisation)

Le Conseil d’État a rendu le 15 juin 2018 un arrêt (n°409961) qui sera utile aux victimes, obtenu grâce à la ténacité d’une victime ayant formé un pourvoi pour obtenir l’indemnisation totale de ses frais d’expertise. La cour administrative d’appel avait désigné un expert pour déterminer si tous ses troubles et pathologies étaient liés à une myofasciite à macrophages développée à la suite d’injections obligatoires du vaccin contre l’hépatite B. Il avait conclu que le lien de causalité pouvait être fixé à 25 %. La cour administrative d’appel avait donc décidé que les frais exposés par la victime pour les expertises médicales et en ergothérapie seraient indemnisés à hauteur de 25 %. Mais la victime a estimé que son droit à réparation intégrale de ses préjudices n’était pas respecté.

Le Conseil d’État a statué en faveur d’une prise en charge de l’intégralité des frais d’expertise médicale payés par la victime, à savoir un montant de 3 650 euros « correspondant à un compte-rendu d’expertise, deux bilans ergothérapiques, un bilan neuropsychologique, une analyse du dossier médical de la victime et une note technique ». Il a estimé que la cour administrative d’appel a eu tort en ce qu’elle a appliqué « au montant de ces factures le taux de 25 % mentionné ci-dessus, alors que l’ensemble des frais en cause aurait pu être évité si l’ONIAM avait accepté d’accorder aux requérants l’indemnité qui leur était due et que, par suite, ils devaient être indemnisés en totalité, la cour a méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice et commis une erreur de droit ». La victime avait dû avoir recours à des conseils pour « déterminer l’étendue des préjudices résultant de la vaccination (…) et faire valoir » son droit « à indemnisation par l’ONIAM ». Les frais exposés devaient donc être remboursés.

Rappelons que l’assistance par un médecin indépendant lors de l’expertise, qu’elle soit amiable ou judiciaire, est extrêmement importante afin que la victime (non médecin et ignorant tout du déroulement d’une expertise) ne soit pas seule face à un médecin de compagnie d’assurances ou à un expert judiciaire. Il est indispensable de faciliter l’assistance des victimes par des conseils en prenant en charge systématiquement leurs honoraires.

 

pieces medicales à l’assureur

Céder une pièce médicale à l’assureur. Une obligation ? (article publié par Maître Estelle AOUN (avec son autorisation)

Le secret médical est un devoir du médecin et un droit du malade. Selon l’Ordre national des médecins, le secret médical (ou secret professionnel) est « un des piliers de l’exercice de la médecine ». Il est à la fois « d’intérêt privé » car il permet le « respect de l’intimité de la personne qui s’est confiée au médecin » et « d’intérêt public » car il autorise que « chacun puisse être convenablement soigné sans craindre d’être trahi ou dénoncé ».

 

Le secret médical couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du professionnel de santé dans l’exercice de sa profession. Il s’agit d’une obligation déontologique dont le non-respect est puni par des sanctions disciplinaires et pénales. Il comporte certaines dérogations posées par la loi : dérogations obligatoires (déclaration des maladies contagieuses) ou autorisations de la loi (révélation de sévices ou de mauvais traitements).

Nombre d’informations couvertes par le secret médical sont consignées par les professionnels de santé dans le dossier médical du patient. Ce dossier médical n’est pas unique et le patient dispose d’un dossier par professionnel de santé avec qui il est en relation. Le médecin est le dépositaire du dossier médical. Ce dossier personnel et confidentiel est accessible et transmissible au patient. Toutefois, un tiers ne peut accéder à ce dossier, couvert par le secret médical. Par exemple, un assureur ne peut obtenir les documents médicaux d’un assuré sans son accord.

La cour d’appel de Bordeaux l’a rappelé à une compagnie d’assurances dans une décision en date du 10 janvier 2018 (n° 17/0389) : « Le secret médical s’oppose à ce que l’assureur puisse obtenir les documents médicaux concernant l’assuré. En l’espèce, l’assureur demandait la communication des documents médicaux concernant l’assuré, et en particulier le rapport d’expertise médicale, afin de déterminer si ce dernier avait fait de fausses déclarations intentionnelles en répondant par la négative à certaines questions du questionnaire de santé de nature à entraîner la nullité du contrat d’assurance. Cependant, excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, il résulte de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique que le secret médical s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Il s’ensuit qu’en l’absence d’autorisation de l’assuré lui-même, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de l’assureur ».

Je constate que trop souvent les victimes de dommage corporel font totalement confiance à leur compagnie d’assurances et ignorent leur droit à ne pas communiquer des documents médicaux. Elles transmettent facilement des pièces de leur dossier médical à leur compagnie ou les laissent à disposition du médecin-conseil de l’assureur lors des expertises médicales. Or, dans le cadre d’une procédure indemnitaire où il appartient à la victime de rapporter la preuve de son dommage et des préjudices en découlant, les pièces médicales sont un élément clef. Elles ne doivent pas être portées à la connaissance de l’assureur sans avoir bien réfléchi à l’impact qu’elles vont produire sur le processus d’indemnisation.

Penser à faire personnaliser votre contrat individuel avant de le signer.

En effet, si par exemple vous avez souscrit ce contrat pour vous venir en aide dans le cas où vous ne puissiez poursuivre votre activité, veiller à ne signer que s’il est indiqué la clause suivante « des indemnités journalières ou un capital sera versé s’il est reconnu médicalement que je suis inapte à ma profession et non pas à « toute profession » Vous risquez en effet de vous voir refuser toute indemnité au prétexte que leur médecin-conseil reconnaît que vous n’êtes pas apte à votre ancienne profession mais que vous pourriez parfaitement bien vous reclasser. Ainsi si vous exercez une profession manuelle et que les efforts musculaires vous sont interdits, il vous sera rétorqué que vous pouvez vous reclasser dans une activité de gestion (médecin ou ministre par exemple !).

L’adhésion à une association de victimes est-elle utile ?

OUI, car si les victimes sont à la merci des compagnies d’assurance c’est que ces dernières tirent leur force du fait que tous ont l’obligation légale de s’assurer. Les victimes, heureusement en bien plus petit nombre, ont donc intérêt à unir leur forces.

Être assuré est une obligation légale.
Être adhérent d’une association de victimes est un devoir moral de solidarité.

N’acceptez pas d’être « défendu » par l’avocat de la compagnie qui vous assure.

Vous devez être défendu par un Médecin de Recours choisi également par vous. En effet, votre compagnie d’assurance ne peut réclamer « le maximum » à une autre compagnie car elle devrait, pour les mêmes séquelles, régler également beaucoup. En effet, chaque jour ces deux compagnies traitent de nombreux dossiers dans lesquels c’est une fois l’une et une fois l’autre qui doit indemniser.

Un avocat est-il nécessaire ?

S’il s’agit d’un recours concernant une pension d’accident de travail insuffisante, un avocat n’est pas, en général, nécessaire. En revanche, dans les procédures « de droit commun », autrement dit lorsqu’un tiers responsable est impliqué, un juriste (avocat ou conseil d’une association de victimes) est nécessaire pour traduire en argent l’évaluation qui a été admise par votre médecin-conseil de recours.

Attention: ne choisissez pas un avocat au hasard ! Il y en a très peu qui soient spécialisés dans la réparation du dommage corporel. Vous avez intérêt à interroger soit l’Association de victimes à laquelle il est conseillé d’adhérer. Soit le médecin de recours que vous aurez choisi.

Ne confiez pas la gestion de votre dossier à n’importe qui !

De nombreux Cabinets de Recours du type « défense » ou « assistance juridique » sont des émanations des compagnies d’assurance.

Prenez conseil auprès des associations de victimes ou des médecins de recours exclusifs avant de confier la gestion de votre dossier à quiconque.

Que penser de la clause recours ?

La CLAUSE-RECOURS semble être une supercherie:
en effet la compagnie vous dit (et vous fait payer pour cela): « Nous vous ferons assister par un médecin », sous entendu donc « qui soit de votre côté ».

En, fait vous êtes convoqué par un seul médecin (celui de votre compagnie) qui est « agréé » également par la compagnie adverse assurant le responsable !

OU EST LE RECOURS, LE CONTRADICTOIRE PROMIS ?

Votre compagnie gagne sur tous les tableaux. Elle encaisse une prime puis fait l’économie d’un examen médical contradictoire, les deux compagnies n’ayant à payer qu’un seul médecin au lieu des deux attendus par leur engagement.

Bien qu’il faille se méfier de la garantie défense-recours ou protection juridique, il ne faut pas pour autant la négliger car elle vous donne droit à introduire une action judiciaire lorsque vous restez en désaccord avec l’indemnisation proposée et qu’une transaction amiable a échoué.

Les frais de cette action judiciaire seront alors assumés par l’assureur qui s’est engagé à régler les frais de toute intervention, amiable ou judiciaire, destinée à défendre l’assuré.

À vous de rappeler et d’exiger que vous entendez choisir
votre propre avocat-conseil et votre propre médecin-conseil.