Céder une pièce médicale à l’assureur. Une obligation ? (article publié par Maître Estelle AOUN (avec son autorisation)
Le secret médical est un devoir du médecin et un droit du malade. Selon l’Ordre national des médecins, le secret médical (ou secret professionnel) est « un des piliers de l’exercice de la médecine ». Il est à la fois « d’intérêt privé » car il permet le « respect de l’intimité de la personne qui s’est confiée au médecin » et « d’intérêt public » car il autorise que « chacun puisse être convenablement soigné sans craindre d’être trahi ou dénoncé ».
Le secret médical couvre tout ce qui est parvenu à la connaissance du professionnel de santé dans l’exercice de sa profession. Il s’agit d’une obligation déontologique dont le non-respect est puni par des sanctions disciplinaires et pénales. Il comporte certaines dérogations posées par la loi : dérogations obligatoires (déclaration des maladies contagieuses) ou autorisations de la loi (révélation de sévices ou de mauvais traitements).
Nombre d’informations couvertes par le secret médical sont consignées par les professionnels de santé dans le dossier médical du patient. Ce dossier médical n’est pas unique et le patient dispose d’un dossier par professionnel de santé avec qui il est en relation. Le médecin est le dépositaire du dossier médical. Ce dossier personnel et confidentiel est accessible et transmissible au patient. Toutefois, un tiers ne peut accéder à ce dossier, couvert par le secret médical. Par exemple, un assureur ne peut obtenir les documents médicaux d’un assuré sans son accord.
La cour d’appel de Bordeaux l’a rappelé à une compagnie d’assurances dans une décision en date du 10 janvier 2018 (n° 17/0389) : « Le secret médical s’oppose à ce que l’assureur puisse obtenir les documents médicaux concernant l’assuré. En l’espèce, l’assureur demandait la communication des documents médicaux concernant l’assuré, et en particulier le rapport d’expertise médicale, afin de déterminer si ce dernier avait fait de fausses déclarations intentionnelles en répondant par la négative à certaines questions du questionnaire de santé de nature à entraîner la nullité du contrat d’assurance. Cependant, excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, il résulte de l’article L. 1110-4 du Code de la santé publique que le secret médical s’impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Il s’ensuit qu’en l’absence d’autorisation de l’assuré lui-même, c’est à bon droit que les premiers juges ont rejeté la demande de l’assureur ».
Je constate que trop souvent les victimes de dommage corporel font totalement confiance à leur compagnie d’assurances et ignorent leur droit à ne pas communiquer des documents médicaux. Elles transmettent facilement des pièces de leur dossier médical à leur compagnie ou les laissent à disposition du médecin-conseil de l’assureur lors des expertises médicales. Or, dans le cadre d’une procédure indemnitaire où il appartient à la victime de rapporter la preuve de son dommage et des préjudices en découlant, les pièces médicales sont un élément clef. Elles ne doivent pas être portées à la connaissance de l’assureur sans avoir bien réfléchi à l’impact qu’elles vont produire sur le processus d’indemnisation.