Indemnisation des victimes d’attentats et de leurs proches

À l’heure où la mobilisation de l’ensemble du système de soins sera fondamentale dans les prochains jours pour répondre aux besoins des victimes des attentats du 13 novembre et de leurs proches, nous aimerions apporter notre contribution en rappelant deux points essentiels généralement peu connus de nos concitoyens :

  • La solidarité nationale a mis en place un Fonds de Garantie des victimes d’actes de Terrorisme et d’autres Infractions (FGTI) qui indemnise toutes les victimes d’actes de terrorisme survenus en France à compter du 1er janvier 1985. Si les conditions sont réunies, l’indemnisation couvre les dommages corporels des personnes blessées et, pour les personnes décédées, les préjudices moraux et économiques des ayants droit. Bien sûr, l’indemnisation financière n’est qu’une réparation symbolique, et ne pourra en aucun cas effacer le traumatisme subi et ses conséquences, mais l’existence même du FGTI est l’expression des valeurs de solidarité sur lesquelles notre société s’est construite.
  • L’indemnisation des dommages corporels passera nécessairement par une évaluation préalable de ces dommages, ce qui nous amène à rappeler l’importance du certificat médical initial dans ce processus. Le certificat médical initial (CMI) constitue le premier écrit à caractère médico-légal dont dispose une victime d’un dommage corporel, à partir duquel un expert va se baser pour évaluer les séquelles imputables au traumatisme. C’est un élément de preuve chaque fois qu’il y a eu un traumatisme, même minime, pouvant mettre en cause la responsabilité d’un tiers. Idéalement, il doit être effectué précocement après l’agression ou l’accident, le jour même ou les jours suivants. Outre la description précise et détaillée de toutes les lésions constatées, le rédacteur doit également signaler s’il y a, du fait des lésions, une incapacité totale de travail (ITT) et en préciser la durée. Le CMI doit être rédigé par un docteur en médecine. C’est un véritable acte médical, courant mais grave, engageant la responsabilité de l’auteur, d’où la nécessité de le rédiger avec prudence.
    Pour revenir aux nombreuses victimes des attentats de ce 13 novembre, on peut penser qu’en raison de l’urgence, beaucoup de CMI seront incomplets. Mais ceux-ci peuvent et doivent être complétés par le médecin traitant dans les jours qui suivent le traumatisme initial. Il est important que les médecins traitants qui vont gérer au quotidien toutes les conséquences de ces attentats sur la santé des victimes et de leurs proches soient sensibilisés sur l’exhaustivité du certificat médical initial, mais aussi des certificats médicaux suivants.

Enfin, une fois la phase aiguë passée, les médecins traitants sollicités par leurs patients peuvent faire appel à des médecins conseils de victimes pour accompagner celles-ci tout au long des procédures d’indemnisation. Il existe en France plusieurs associations de médecins conseils de victimes. L’ANMCR, Association Nationale des Médecins Conseils de Recours, regroupe une quarantaine de médecins spécialisés en réparation juridique du dommage corporel, répartis sur l’ensemble du territoire, et qui répondent quotidiennement aux interrogations des victimes et les assistent lors des expertises médicales.

Indemnisation des victimes du terrorisme : la communication ambiguë des pouvoirs publics et du Fonds de Garantie

Par Géraldine Berger-Stenger et Claire Binisti

Avocats au Barreau de Paris


Paris, le 15 mars 2016.

Le 12 novembre 2015, le Premier Ministre signait la circulaire interministérielle visant à améliorer la prise en charge des victimes du terrorisme¹.

Le lendemain, les attentats faisaient un nombre de victimes sans précédent en France.

L’heure est bien évidemment encore à la douleur, au recueillement et aux soins.

Les personnes blessées et les ayants droit ayant perdu un proche sont pourtant déjà confrontés aux obligations administratives liées à la réparation des dommages causés par l’événement traumatique.

Dans le cadre de la circulaire et de ses déclarations, le Premier Ministre s’est engagé à ce que l’Etat accompagne les victimes sur les plans juridique et financier.

En pratique, c’est le Fonds de Garantie (FGTI – Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions) qui indemnise les victimes directes et indirectes ainsi que les ayants-droits des victimes décédées.

Ce Fonds, créé en 1986, est financé par une contribution prélevée sur les cotisations des contrats d’assurances aux biens.

Le FGTI a pris en charge directement les frais d’obsèques et a commencé à verser les premières provisions, ce qu’il est tenu légalement de faire dans un délai d’un mois.

Cependant, tant la communication des instances politiques que celle du Fonds laissent poindre chez les professionnels quelques inquiétudes.

Celles-ci sont renforcées par la lettre d’information du Fonds qui était pourtant destinée à répondre aux critiques afférentes aux différences de traitement entre victimes et à une prétendue volonté d’indemniser le moins possible. ²

Dans les faits, si d’importantes disparités dans le versement des indemnités sont observées, cette situation peut s’expliquer par le fait que l’évaluation s’effectue en principe au cas par cas pour chaque victime en fonction des différents préjudices subis, ceux-ci étant déterminés par une ou plusieurs expertises médicales.

Cette absence de barème forfaitaire officiel peut en réalité être favorable aux victimes puisque cela devrait permettre une indemnisation la plus ajustée possible aux préjudices subis.

Toutefois, l’absence d’accompagnement des victimes par des professionnels tels que des médecins conseils de recours lors des expertises conduit à des disparités inacceptables, source d’un sentiment d’injustice encore aggravé.

Bien évidemment, il n’est pas contesté que le Fonds a une mission d’intérêt général et que cette aide est appréciée par les victimes dans ces moments d’immense désarroi.

Pour autant, et comme l’indique lui-même le Fonds, si la victime n’est pas satisfaite de l’offre, elle peut la négocier ou saisir le Tribunal, de la même manière que lorsqu’elle reçoit une offre de compagnies d’assurance.

Le Fonds se présente de façon ambiguë comme un quasi-partenaire de la victime³ avec lequel est établie « une relation de confiance », alors qu’il doit en réalité être considéré comme une partie adverse.

En offrant d’être l’accompagnant initial des victimes, le Fonds entretient donc la confusion : il ne peut dans un même temps être le conseiller et le régleur.

Cette ambigüité, entretenue peut-être de manière involontaire par le Fonds, ne va pas à notre avis dans le sens des victimes.

Compte tenu du flux important de dossiers d’indemnisation, il existe également un risque que le FGTI procède à des indemnisations « forfaitaires » notamment concernant les traumatismes psychologiques.

Il conviendra donc que les professionnels restent extrêmement vigilants sur ces questions.


  1. Circulaire interministérielle 40245 du 12 novembre 2015
  2. Lettre d’information du fonds de garantie en date du 3 septembre 2015 publiée sur le site du Fonds : « Victime d’attentats : le temps de la réparation »
  3. Page Actualités du Fonds : « dispositif spécial pour constituer les dossiers »